DISCOURS DU Dr PENAUD,
Août 1997
Maurice,
C'était il y a cinq jours, lundi exactement, deux ou trois
d'entre nous t'ont demandé d'interrompre la conférence
que tu nous donnais, car
nous te sentions fatigué, et tu nous a dit: "laissez-moi
terminer ce chapitre..."
On sait ce qui est advenu depuis...
Mais, en fait, pouvais-tu avoir une dernière phrase publique
différente de celle-ci: "laissez-moi terminer ce chapitre"?
Nous étions une trentaine de vieux amis, des contemporains,
qui t'avions demandé de traiter un de ces sujets d'histoire
ancienne qui
t'étaient familiers et qui nous ravissaient, tellement tu les
dominais et tu
avais I'art de nous les rendre accessibles.
Cette année, aprés quarante minutes d'un exposé
clair et
synthétique, tu as quitté notre cercle.
Cinq heures plus tard, tu as quitté notre monde.
Ce cercle de vieux amis bayonnais aurait pu être pour toi,
comme pour chacun des autres, uniquement un lieu de détente et
de loisir; mais
tu ignorais l'inutile et l'insignifiant, et tu en avais fait, au prix
d'un
travail supplémentaire, un rare moment d'enrichissement culturel.
Certes, la plupart d'entre nous, méme si cela faisait de
longues années que nous te connaissions, ne te rencontraient que
l'été; mais tu
demeurais pour nous une référence, un repère et
une lumière nous éclairant
épisodiquement.
Et c'est chaque fois, sans histoires, que nos échanges
reprenaient, avec le même naturel, d'une année sur I'autre.
Bien sûr, nous n’avions pas cessé de te suivre, en
esprit et
en mémoire, depuis ton Alsace natale jusqu'à ton passage
dans notre
Sud-Ouest, I'accueil dacquois, les amours bayonnaises, ton insertion au
Pays
Basque, ta maîtrise si remarquable, et si rare pour un jeune,
dans l'étude et
la reproduction calligraphique de nos discoïdales dont tes sept
cahiers font
encore autorité, -jusqu'à ton entrée à
l'âge adulte, la réussite au concours de
Saint-Cyr, ta trés belle carrière militaire,
jalonnée des distinctions les plus
enviables, pour un officier d'exception, diplomé de I'Ecole
d'Etat-Major et
bréveté de I'Ecole de Guerre.
Lors de ta prise de retraite professionnelle, tes activités
annexes -si l'on peut s'exprimer ainsi-, non seulement ne connurent
aucune
restriction, mais au contraire, s'amplifièrent dans les domaines
intellectuels
et spirituels, au point de revêtir alors une intensité,
une persévérance et une
dimension humaine peu courante.
N'étais-tu pas, toi, alsacien fidéle, le seul officier
français titulaire de la Croix d'Or de la Bundeswehr au titre de
ton inlassable
action pour la paix entre nos deux pays et dans le monde?
A Paris, quelles préoccupations ne furent pas les tiennes,
du fait, durant plusieurs années de suite, de ton implication
dans la
restauration architecturale de l'Hôtel des Invalides, oú
tu as spécialement
œuvré, nous ne pouvons l'oublier, à la
réhabilitation et à la modernisation de
l'hôpital.
Président-fondateur du "Cercle d'études et de
réflexion
pour la défense des valeurs", en particulier philosophiques et
militaires,tu assurais aussi la présidence de I'Association des
Croix de Guerre
et de la valeur militaire du 11ème arrondissement.
Enfin, combien de ton temps, combien de votre temps, avec
Mayi toujours associée dans tes travaux, combien de vos
recherches, combien de
votre talent n’avez-vous donné, vous qui étiez
passionnés d'histoire et
d'archéologie, Bible et Terre Sainte" que vous avez pratiquement
portée ,
à bout de bras.
Réunions, documentation, expositions et conférences, tu
les
a toutes suscitées et animées, depuis la création
de I'association, et jusqu' à
maintenant...
C'est de ces petites retombées que nous profitions ici,
lorsque tu descendais au Vigneau, prendre un peu de repos, à ta
maniére.
Jusqu'au 18 Août, où, sur un signe du destin, dans la
chaleur cordiale d’un cercle de proches et d'amis heureux de
t'écouter, en
évoquant avec maîtrise et compétence un de ces
sujets qui t'étaient chers, pour
la prernière fois de ta vie, tu n’as pas pu "terminer le
chapitre"...
Avec pudeur, discrétement, sans éclat.
Il faut dire que tu n’avais jamais trouvé le moyen,
trouvé
le temps, de te faire démobiliser.
Tu n'as jamais arrété de servir.
Pour toi et pour les tiens, je regrette sinérement que
personne de plus autorisé que moi ne se trouve aujourd'hui parmi
nous, pour te
rendre l’hommage que tu méritais, plus solennel et plus
digne de toi.
Simplement donc, ces quelques mots, Maurice, pour
t’exprimer, maladroitement certes et trés imparfaitement,
mais du fond du cœur,
notre reconnaissance, notre admiration, et notre affection.
Depuis Lundi, j'en suis persuadé, car tu avais une grande
foi, ton saint patron qui fut, lui aussi un grand soldat, t’a
pris par la main
et t'a guidé enfin vers le seul repos qui soit à ton
goût et à ta mesure.
Et maintenant, qu'en son Paradis, Dieu te garde, Maurice!